Comment le théâtre veut opérer sa transition écologique : « Il faut se transformer en profondeur »

08:08

, 16 juillet 2022

Face au changement climatique, la question de l’écologie se pose pour les professionnels du spectacle vivant. Réutilisation des décors, transformation des parcs lumineux, mobilité du public… Différentes pistes sont à l’étude afin de répondre à la problématique de la transition écologique dans le monde de la culture.

. Pour le Syndeac des entreprises artistiques et culturelles, le souci de la transition écologique fait partie des enjeux que les acteurs culturels doivent prendre en compte. « Si on veut la neutralité carbone, il faut la transformer en profondeur », explique Nicolas Dubourg, directeur du théâtre Vignette à Montpellier, et président du Syndeac, au JDD.

La transition verte vers le spectacle vivant fait partie des actions prioritaires inscrites dans la feuille de route du Syndeac. Quelles sont les questions courantes dans le monde du divertissement ? Quand on parle de changement écologique

, nous parlons d’un réexamen d’un modèle de société construit sur l’utilisation des ressources fossiles, la déforestation et la prédation des ressources naturelles. En ce qui concerne le monde du divertissement et de la culture en général, nous avons deux problèmes. La première est de nous décarboner. Nous réfléchissons notamment à la manière dont nos salles de spectacles attireront un large public qui parcourt parfois de longues distances en véhicule, etc. Cela a un impact très important sur le carbone. C’est aussi une question de mobilité des artistes eux-mêmes mais aussi des fluides pour chauffer les pièces ou les climatiser en été, etc. Ce sont tous des points sur lesquels nous avons la capacité d’agir. Nous sommes dans un secteur économique à part entière, nos actions doivent être coordonnées pour être efficaces. Il faut être capable de penser à l’échelle d’un secteur économique, à l’échelle nationale, voire à l’échelle européenne pour faire face à l’urgence. C’est le schéma directeur carbone, avec un objectif de moins 30% en 2030 et l’enjeu de la neutralité carbone à l’échelle 2040. Nous sommes en 2022, nous devons accélérer car nous sommes loin d’être neutres en carbone. Nous devons mettre en place dans les prochaines années des réformes drastiques coordonnées et financées.

Faut-il réinventer le modèle de performance directe ? Évidemment. Comme toute l’économie. Si nous voulons la neutralité carbone, nous devons la transformer en profondeur.

A partir du moment où on identifie un prototype qui est intéressant, la question est de savoir à quelle échelle on peut le développer

Des solutions concrètes ont-elles déjà été mises en place dans certains théâtres, les exemples se multiplient. Les théâtres n’ont pas attendu les syndicats pour commencer à faire des choses. C’est le cas du réemploi de décorations, ou de la transformation de lampes à incandescence pour utiliser des lampes à LED par exemple. Sur la question de la mobilité, les choses commencent à se jouer. Par exemple, avoir un horaire qui permet aux gens de se déplacer en transport en commun; mettre en place des systèmes de covoiturage autogéré ou encore proposer aux personnes de venir seules pour organiser des retours accompagnés afin que cette barrière à la mobilité soit levée par des mesures d’accompagnement. A partir du moment où on identifie un prototype qui est intéressant, la question est de savoir à quelle échelle on peut le développer.

Où en sont-ils de la réutilisation des décors et des costumes ? Certains cinémas le font déjà. Il existe des centres de ressources qui permettent aux entreprises de venir se servir des décors, des magasins de costumes et ainsi de réutiliser ces éléments souvent très éphémères. Il s’agit également des matériaux utilisés dans les décors eux-mêmes. Sont-ils des éléments recyclables ou sont-ils fabriqués à partir de matériaux non fossiles ?

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Le festival d’Avignon remplace progressivement les lampes halogènes par des LED. Cette initiative peut-elle être proposée, par exemple, ultérieurement aux créateurs mais aussi aux points de diffusion ? Certaines régions le font déjà. Des financements européens ont été mis en place et permettent dans certains cas de financer des reconversions de matériel d’éclairage. Aujourd’hui, si vous avez un projecteur de 2 000 ou 5 000 watts et que vous le mettez à niveau vers un projecteur de 100 ou 200 watts, les économies sont énormes. Le problème est que ce sont des outils qui s’amortissent généralement sur des périodes assez longues. La transformation d’un parc de lumière en théâtre représente des centaines de milliers d’euros. Si nous arrivons à une profession à part entière, cela ne se fera pas du jour au lendemain. Aussi, ces LED sont-elles produites en France ou ailleurs ? Le problème ne doit pas être déplacé.