« Dans le cas des JO 2024, je suis préoccupé par le retard de la France en matière d’accessibilité »

INTERVIEW – A l’occasion de la journée mondiale des personnes handicapées, Annette Masson, présidente de l’association Tourisme & Handicaps nous fait part de son inquiétude face au manque d’accessibilité de certaines destinations touristiques, notamment en France.

Prendre l’avion, visiter un musée, séjourner dans un hôtel… Pour les personnes à mobilité réduite ou en situation de handicap mental, visuel ou auditif, ces gestes banals peuvent se transformer en véritable parcours du combattant lors d’un voyage. Des obstacles loin d’être anecdotiques, alors qu’environ 10 millions de Français sont concernés. Pour la Journée internationale des personnes handicapées, le 3 décembre, Annette Masson, présidente de Tourisme & Handicaps, créé en 2001 à l’initiative du Ministère du Tourisme et des associations, revient avec nous sur les différentes problématiques liées aux déplacements. Entre infrastructure inadaptée et personnel pas toujours formé.

LE FIGARO. – Quelles sont les principales difficultés rencontrées lors des déplacements des personnes handicapées ?

Annette MASSON – Le principal inconvénient est le transport. En avion, de nombreux voyageurs à mobilité réduite ont encore la désagréable surprise de retrouver leur fauteuil roulant endommagé à la descente de l’avion. Bien que les compagnies aériennes soient conscientes des efforts à fournir et ouvertes au dialogue, il reste encore beaucoup à faire pour améliorer les services aux personnes handicapées. Nous souhaitons que des caisses d’expédition adaptées soient déployées sur les avions afin de réduire les risques de casse. Côté ferroviaire, les conditions de service restent restrictives, mettant en avant la nécessité de réserver au moins 24 ou 48 heures à l’avance. De plus, ces services d’assistance sont souvent fournis par des employés qui n’ont pas connaissance de ces questions. En effet, les fauteuils roulants sont parfois traités comme de simples marchandises. Outre le train et l’avion, toute la difficulté est d’assurer la chaîne de déplacement sans interruption. Cela va du transport aux activités touristiques en passant par les visites ou les transferts. Une grève des transports, un ascenseur en panne ou un taxi non adapté aux PMR (personnes à mobilité réduite, ndlr) suffisent à compromettre le séjour. Cependant, si un voyageur en forme s’adapte facilement à un imprévu, rappelons que la difficulté est décuplé pour les passagers en situation de handicap.

A lire aussiVoyager comme tout le monde malgré son handicap

Quelle est votre appréciation de la situation en France ?

En France, nous sommes en milieu de peloton. Cependant, il y a une amélioration. Avant, il fallait pousser les portes des professionnels et insister sur la question de l’accessibilité. Aujourd’hui, ce sont eux qui viennent nous voir pour se mesurer. Les propriétaires de meublés de tourisme ou de petites chambres d’hôtes ne sont pas tenus par la loi d’adapter leur logement, tant qu’il s’agit d’un lieu privé. Cependant, ils font plus d’efforts que certains hôteliers.

Dans la perspective des prochains grands événements sportifs comme les Jeux olympiques et paralympiques de 2024, qu’attendez-vous des professionnels du tourisme et des gouvernements ?

Je suis préoccupé par le retard considérable de la France en matière d’accessibilité. Pour certains événements, si vous devez arriver en métro, c’est fini pour les personnes en fauteuil roulant. Espérons que des bus et d’autres transports terrestres abordables seront disponibles. Côté hébergement, peu d’hôtels disposent de chambres vraiment adaptées. S’il y a trop de commandes, nous ne pourrons pas les honorer. Tous ces défauts n’incitent pas ces visiteurs à rester quelques jours de plus pour faire du tourisme.

A lire aussiÎle de Pâques en fauteuil roulant : « Rien n’était impossible, j’ai décidé »

Quelles sont selon vous les destinations les plus avancées en matière d’accessibilité ? Et, à l’inverse, qui sont les mauvais élèves ?

Les pays nordiques sont un modèle car ils intègrent l’accessibilité globale dans tous leurs projets de développement. Les États-Unis et le Canada se distinguent, quant à eux, avec des infrastructures parfaitement adaptées aux personnes en situation de handicap moteur, même si elles sont moins performantes pour les autres. En France, je souligne l’initiative du département de l’Hérault qui vient de lancer son application Hérault Mobility. C’est un carnet de voyage numérique riche en adresses et itinéraires accessibles. Les Charentes (représentant la Charente et la Charente-Maritime, NDLR), les villes de Toulouse ou Bordeaux, disposent d’un réseau de transports en commun entièrement équipé. En revanche, l’Île-de-France et Paris en particulier accusent un retard notoire, notamment en matière de transports en commun lourds (métro et RER). Les personnes à mobilité réduite ne peuvent compter que sur les bus et les tramways, empruntant les routes avec l’incivilité de certains automobilistes.

A lire aussiLondres : 5 beaux hôtels vraiment accessibles aux personnes à mobilité réduite

Avez-vous des conseils pour les voyageurs en situation de handicap ?

Passer par une agence de voyage peut être une option pour un séjour serein, mais c’est loin d’être obligatoire. Si vous organisez vous-même votre séjour, vous devez vous renseigner le plus possible sur chaque lieu que vous visitez. Par exemple, il est préférable de contacter un hôtelier pour demander des photos des installations. Des informations très précises sont nécessaires, comme la largeur d’une porte ou la pente d’une rampe d’accès. Les mentions « logement accessible » ou « chambre PMR » indiquées dans une offre de location meublée ou sur le site internet d’un hôtel sont souvent trop floues et reflètent une réalité qui ne correspond pas à celle des personnes en situation de handicap. … Les professionnels ne prennent pas toujours en compte le désir d’autonomie, aussi important soit-il. C’est pourquoi nous avons constitué une carte interactive des 4 000 sites touristiques avec notre rubrique « Tourisme & Handicap » (hôtels, musées, offices de tourisme, etc.) qui garantissent des installations adaptées à au moins deux handicaps (auditif, mental, moteur et visuel).