Fabienne Keller : « Il est temps d’ouvrir la gare de Strasbourg à 360 degrés ! »

Fabienne Keller (Agir), à la manœuvre pour la dernière modification de la place de la gare avec l’arrivée du TGV en 2007, met en garde contre le projet de réaménagement qui verrait la place accueillir une nouvelle station de tram. Dans une tribune, l’ancienne maire (2001-2008) plaide pour détourner le trafic automobile et de transports en commun sur l’arrière-gare et privilégier un aménagement paysager et piéton en surface.

A l’occasion du projet de tramway au nord de l’agglomération, l’Eurométropole de Strasbourg veut installer de nouvelles stations sur la place de la Gare. Une occasion unique de repenser l’aménagement global de cette place pour renforcer sa fonction originelle : un lieu d’échange où tous les modes de transport se croisent et se côtoient de manière paisible.

Une gare façonnée par les évolutions du temps

Au cours du XXe siècle, les transformations successives qu’a subies la place de Gare l’ont progressivement minéralisée, tournée vers le développement de l’automobile et peu appréciée des piétons, cyclistes et personnes à mobilité réduite. Sur le même sujet : CTS : Strasbourg sera en chantier la semaine prochaine.

C’est dans les années 2000 que la place de la Gare prend son aspect actuel, avec le projet de l’architecte Jean Marie Duthilleul et du paysagiste Michel Desvignes réalisé en 2007. Leur projet redonnait alors déjà leur place aux arbres en pleine terre, et à de vastes espaces piétonniers et ouverts. Malheureusement peu entretenue depuis 15 ans, la place a peu à peu perdu ces atouts, mais le potentiel d’une belle place strasbourgeoise est toujours bien là.

Aujourd’hui, parce qu’elles sont essentiellement des carrefours et des lieux d’échanges, les gares et leurs places attenantes doivent être le cœur de la ville durable. Dans cet état d’esprit, Strasbourg doit repenser l’aménagement de sa gare.

L’indispensable ouverture à l’ouest

Comment concilier les contraintes liées au développement des transports « lourds », comme les trains et tramways, les bus urbains et interurbains, le covoiturage, et en même temps la fonction d’accueil de la place pour les modes doux, piétons, handicapés et cyclistes ? Comment faites-vous du lieu un endroit agréable pour les résidents et les voyageurs ?

Il faut passer par l’ouverture de la Station à 360 degrés. Voir l’article : Les transports en commun gratuits « bien moins chers » que le tram, selon Duhaime. Amorcer le développement de la « gare arrière » ou de la « gare basse » permet de fluidifier le trafic, désormais concentré en un point, et de stimuler le développement des transports en commun vers l’ouest.

Cette vision, imaginée de longue date, recoupe l’impérieuse nécessité de « recoudre » les quartiers de Strasbourg, historiquement coupés en deux par les axes ferroviaires et routiers. Dans la perspective de la requalification de l’A35, cela permettrait de mieux relier les quartiers ouest (Koenigshoffen, Cronenbourg) à la Gare et au centre-ville, dans une démarche d’urbanisme calme et aéré.

Un environnement préparé à cette évolution

La plupart des plateaux techniques sont prêts à démarrer un tel projet. L’Eurométropole possède de vastes terrains à l’arrière de la gare (près de 20 hectares) et la rue des Remparts permet déjà de désengorger le trafic nord-sud. Voir l’article : New York grimpe sur le projet de péage urbain. Cet axe, aujourd’hui sous-utilisé, notamment en raison d’une signalétique insuffisante, est prêt à être structuré dans le cadre d’un réaménagement général de cette face de la gare.

Par ailleurs, il y a plus de vingt ans, une « réservation » pour une station de tramway hors-sol a été faite à l’arrière de la gare par Catherine Trautmann, toujours dans cette vision d’ouverture à 360 degrés.

Définir une vision et un projet

De nombreuses villes en France et en Europe ont mené de tels projets, aboutissant souvent à la création de nouveaux quartiers naturellement connectés aux réseaux de transport et parfaitement intégrés au reste de la ville. Les exemples ne manquent pas et sont de précieuses sources d’inspiration. Plusieurs études ont déjà été réalisées pour le site de Strasbourg, ainsi que de nombreux projets étudiants, qui peuvent servir de réflexion pour l’émergence d’un nouveau quartier autour d’un projet d’aménagement global.

Je propose à l’Eurométropole de renoncer à la vision strictement technique d’une place couverte d’infrastructures de transport lourd, de scellés de tramway et de plaques de bitume, afin d’élargir la vision. Une grande gare, digne d’une ville comme Strasbourg, la capitale européenne, doit être au cœur d’un projet global de connexion des modes de transport et de connexion des quartiers. A mon avis, c’est le but de la station du 21e siècle, adaptée aux exigences climatiques.

Le temps de l’action

Certains de ceux qui liront cette chronique auront certainement le goût du « déjà lu ». Et ce n’est pas sans raison que le développement de la station arrière est loin d’être une idée nouvelle. Longtemps réfléchi, souvent débattu, ce projet n’a jamais vu le jour. Aujourd’hui, le prolongement du tramway vers le nord en combinaison avec la requalification de l’A35 est l’occasion d’amorcer ce réaménagement qui semble naturel. Il est temps d’agir !

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