Financement des transports | Le gouvernement qui dit non, non, non, non

Que se passe-t-il lorsque vous vous opposez bruyamment à chaque solution proposée ?

Nous constatons que nous sommes à court de solutions. C’est ce qui arrive au gouvernement Legault avec le financement des routes et des transports en commun.

Notre collègue Charles Lecavalier nous disait récemment que le Fonds des réseaux de transport terrestre, ou FORT, est déficitaire1. Ce n’est une surprise pour personne.

Ce fonds finance la construction et l’entretien des routes provinciales, ainsi que certains projets de transport en commun. Ses revenus proviennent principalement des taxes sur l’essence, des frais de permis de conduire et des frais d’immatriculation des véhicules.

Avec l’expansion du réseau routier et les nouveaux projets de transport en commun, les dépenses augmentent.

Les revenus commencent à stagner. Il est difficile de savoir quelle est la cause de la pandémie et quel est le début de la tendance de fond, mais on sait que la consommation d’essence devrait diminuer à mesure que le parc de véhicules électriques s’agrandit.

Le gouvernement doit donc trouver un moyen de combler le déficit du FORT. Et pas dans 10 ou 15 ans, mais maintenant. Comment?

Le Ministère des Routes a fait ses devoirs et a lancé un projet sur ce sujet. Un document de synthèse a été préparé. De nombreuses variantes ont été proposées.

Le problème est que les politiciens court-circuitent le processus en rejetant complètement toute solution similaire aux taxes sur les conducteurs.

Pendant la campagne électorale, le gouvernement Legault a tellement ridiculisé la taxe « orange » de Québec solidaire qu’il s’est mis au pied du mur. Il doit maintenant écarter l’idée, que ses propres ministères ont avancée au nom d’un credo dogmatique « pas de nouveaux impôts ».

Prenez la taxe kilométrique. L’idée est simple : plus vous conduisez, plus vous payez. L’avantage, c’est qu’on va chercher de l’argent dans la poche des conducteurs de voitures électriques. Ils ne brûlent pas d’essence, ils contribuent à la congestion et usent les routes.

Le ministère des Ressources naturelles considère cette taxe « nécessaire »2. La communauté métropolitaine de Montréal lance un projet pilote en ce sens. Nous avons nous-mêmes soutenu l’idée3.

Le mois dernier, Le Journal de Montréal révélait que le Québec explorait également la possibilité. C’est totalement légitime. Mais l’ancien ministre des Transports François Bonnardel a réagi comme s’il avait été surpris en train de voler le sac à main d’une vieille dame. Il a juré qu’aucune taxe de ce genre ne serait jamais imposée pendant ce mandat. Au cabinet de la nouvelle ministre des Transports, Geneviève Guilbault, on répète le même message inverse.

La taxe kilométrique est une excellente solution à moyen terme. Mais elle présente des défis technologiques et n’est pas pour demain. D’ici là, nous devons trouver d’autres moyens de sauver FORT. Les documents du Ministère des Routes en suscitent plusieurs.

Augmentation des frais d’inscription ? Le gouvernement Legault dit non. C’est pourtant une solution raisonnable, surtout si ces droits sont modulés en fonction de la consommation énergétique des véhicules.

Une hausse de la taxe sur l’essence qui n’a pas bougé depuis 2013 ? C’est toujours non.

Augmentation de la contribution du Fonds Vert, alors que le FORT finance aussi les transports en commun ? Pas même. En avril dernier, le gouvernement a plutôt réduit les montants minimaux du marché du carbone qui doivent être investis dans les transports publics de 66 % à 25 %.

Bref, comme la poupée de la chanson, Québec dit « non, non, non, non ». Mais il ne s’y oppose pas. Nous comprenons qu’augmenter les impôts en période d’inflation n’est pas idéal. Mais rappelons que les automobilistes sont encore loin du coût réel des routes.

Si rien n’est fait, nous utiliserons un fonds commun gouvernemental financé par nos impôts pour sauver FORT. Politiquement, c’est intelligent. Contrairement à l’impôt, il ne se voit pas. Mais cela saperait complètement le principe de l’utilisateur-payeur. Et invaliderait le principe d’un fonds dédié aux transports.