Gaëlle Berthaud, directrice du Cerema Méditerranée : « Il faut repenser nos paradigmes en matière d’aménagement de l’espace urbain »

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Le Cerema Méditerranée (Centre de Recherche et d’Expertise Risques Environnement Mobilité Aménagement) accompagne les collectivités dans la mise en place de solutions de mobilité durable. Mettez-le à jour avec la réalisatrice Gaëlle Berthaud.

Territoires Publié le 16 août 2022 à 14h00, Propos recueillis par William ALLAIRE

TPBM : L’hyper-mobilité induite par l’essor de l’automobile a façonné l’aménagement des villes au cours des 50 dernières années. Une logique dont on touche les limites aujourd’hui. Quelle est la situation sur la métropole Aix-Marseille ?

Gaëlle Berthaud : L’Agam (Agence d’Urbanisme de Marseille) et l’Aupa (Agence d’Urbanisme du Pays d’Aix Durance) ont récemment publié les résultats de la dernière « Etude Mobilité Certifiée Cerema » (EMC2). Douze ans après le précédent, ce diagnostic, testé par la Métropole Aix-Marseille Provence (AMP) en collaboration avec l’Etat et le département des Bouches-du-Rhône, a permis d’obtenir une photographie de l’évolution des déplacements. faites par les résidents de la région métropolitaine. La mobilité a légèrement diminué, avec 3,4 déplacements quotidiens par personne en 2020 contre 3,9 déplacements en 2009. Sur le même sujet : L’exode urbain peut répondre à la demande de transport. C’est certes supérieur à la moyenne nationale (trois trajets par jour), mais inférieur à l’Île de France (3,9) . En une décennie, nous sommes passés de 6,7 millions de déplacements à 6,3 millions sur le territoire AMP (2009 vs 2019). Dans le même temps, la longueur de ces trajets dans les grandes villes a été raccourcie : de 23,2 km à 21 km. A Aix-en-Provence, la distance journalière parcourue est passée de 25,1 km à 21,6 km, et à Marseille de 16,4 km à 14,6 km.

Malgré la légère baisse de la mobilité, chaque habitant d’Aix-Marseille consacre chaque jour plus d’une heure et 13 minutes à ses déplacements, ce qui est similaire à celui des autres grandes villes. La fermeture et les changements sociétaux qui ont accompagné l’essor du télétravail expliquent évidemment cette baisse. Que se passe-t-il une fois la crise sanitaire passée ? Même si le temps consacré à la mobilité a diminué de cinq minutes en AMP en dix ans, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives sur la pérennité de ce phénomène.

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Les motifs de déplacement sont multiples…

Ces motifs peuvent être regroupés en quatre grandes familles : les déplacements professionnels et scolaires, les déplacements résidentiels, les courses, les livraisons et autres déplacements de la vie courante, et enfin les déplacements de vacances et la visite occasionnelle de la famille, des amis… A voir aussi : Le succès populaire du chemin de fer allemand, au bord de l’étouffement.

Avec la hausse des prix des terrains, les habitants n’hésitent pas à s’éloigner de leur lieu de travail pour trouver un logement. Ce développement permis par l’automobile a évidemment augmenté les temps de trajet, rendant de plus en plus difficile la construction de réseaux intégrés de transport en commun.

A cela s’ajoutent des évolutions sociologiques : le vieillissement de la population remet en cause son éloignement du confort de la ville ; les jeunes générations, plus sensibles aux enjeux climatiques, n’ont plus le réflexe systématique d’obtenir un permis de conduire ; la diminution de la taille des ménages due à la croissance de l’immobilier signifie que le taux d’occupation de la voiture est en baisse constante depuis vingt ans. L’autosolisme s’est développé, et avec lui, les embouteillages et la pollution. Ceci explique la thrombose du réseau routier, pourtant largement modernisé depuis un demi-siècle.

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La généralisation du télétravail va-t-elle réduire la mobilité ?

Oui et non. Le travail à distance réduit la durée des trajets. Mais cela provoque une augmentation des micro-mobilités dans son quartier voire un éloignement entre le domicile et le travail. Lire aussi : « Le développement des transports en commun apparaît comme une priorité évidente et absolue »… Je m’explique : les travailleurs des Bouches-du-Rhône déménagent pour s’installer dans les Alpes-de-Haute-Provence. dans les quartiers proches des gares et n’hésitez pas à faire un long trajet en train pour rejoindre le siège social de votre entreprise une à deux fois par semaine.

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Quid de l’impact du e-commerce ?

Le développement de la livraison à domicile entraîne un besoin accru de logistique urbaine. Les communes doivent organiser la logistique du dernier kilomètre. Mais c’est une illusion de penser que le commerce en ligne réduit les déplacements : Amazon a des zones périphériques qui ont surtout besoin d’être approvisionnées par des poids lourds. En fin de compte, nous modifions l’empreinte carbone de…

L’émergence des nouvelles mobilités douces, vélos, marche à pied, trottinettes… invite à repenser l’aménagement des villes. Comment ?

Il faut penser à deux échelles : celle d’une ville rapide et de grands réseaux, et celle d’une ville lente, constituée d’espaces locaux. Dans cette ville du quart d’heure, le détournement se fait à deux niveaux : en marchant pour les trajets de moins d’un kilomètre, en vélo ou en trottinette pour les trajets de moins de 10 kilomètres. Ces modes doux ont une empreinte carbone nulle et ont des effets bénéfiques sur la santé. Reste à adapter l’espace public à leur usage.

Certaines villes sont très en avance sur ce point : par exemple, la Métropole du Grand Lyon a construit un véritable réseau express de 12 voies cyclables, inspiré du réseau de bus. L’objectif principal du projet est de rendre le cyclisme plus sûr grâce à des pistes cyclables larges et sécurisées. Pour ce faire, les pistes sont dans leur propre zone, séparées de la route et des trottoirs, suivant des itinéraires continus avec le moins d’obstacles possible. Des revêtements (asphalte, asphalte, béton) et des équipements (stations-service, fontaines, etc.) adaptés sont également installés le long des différents axes pour rendre le trajet plus agréable.

Au total, 12 lignes verront le jour d’ici 2026, qui ont été conçues comme un réseau de transport en commun prenant en compte les usages. Ils desserviront les destinations les plus visitées dans 40 communes, avec l’objectif d’avoir les trois quarts de la population à moins de 10 minutes. en vélo à partir du chemin désigné.

Pour les déplacements supérieurs à 10 km, les modes de transport lourds restent indispensables. Au-delà de la fin des moteurs thermiques annoncée pour 2035, quelles solutions pour réduire leur empreinte énergétique ?

La réponse « toujours plus d’infrastructures » n’est peut-être plus la bonne. Avec la suburbanisation, les agglomérations deviennent de plus en plus dispersées. Déployer des réseaux de transports lourds prend beaucoup de temps… et d’argent. Il faut plutôt chercher des solutions dans l’intermodalité et les services numériques. Le numérique permet d’organiser des systèmes de libre-service ou d’autopartage. Nous pouvons également créer des solutions hybrides combinant usage individuel et collectif, comme les voies réservées utilisées dans des villes comme Paris et Lyon.

Dans la capitale des Gaules, le gouvernement local a développé une application qui permet à l’utilisateur de voir en temps réel si un usager des transports en commun se trouve à moins de 10 minutes de sa position. Le service est gratuit pour le passager et le conducteur est payant. Cette ligne spéciale est installée sur l’un des axes principaux de l’agglomération et se comporte comme une ligne de bus avec des arrêts dédiés à un usage partagé. La fiabilité est au rendez-vous : parce que le service est apprécié des automobilistes, l’utilisateur aura assurément le véhicule entre ses mains en moins de 10 minutes. Le dispositif est simple : il suffit de réserver une voie sur un axe majeur, comme les voies bus que l’Etat vient d’aménager sur l’autoroute Aix-Marseille avec l’appui technique du Cerema.

Le développement de l’intermodalité est également clé : pour cela, il faut développer des échangeurs, des hubs situés à la jonction des réseaux de transports en commun et des pistes cyclables, où l’usager a accès à des tiers lieux offrant des services, tels qu’un cabinet médical, un micro-centre. – mangeoire, espace de travail, réseau de circuits courts, etc.

On peut aussi imaginer la création d’intersections sur les autoroutes, comme c’est la pratique chez certains de nos voisins. Cela signifie faire une exception au cadre réglementaire qui réglemente, par exemple, les voies d’urgence (BAU). Le Cerema est le meilleur endroit pour une telle réflexion. Et ce développement doit être mis en œuvre à tous les niveaux du réseau routier : autoroutes, routes nationales et départementales, ainsi que voiries urbaines.

Enfin, si l’on veut développer l’usage des modes actifs (vélo, marche, etc.), il faut revoir nos paradigmes d’aménagement de l’espace urbain : réfléchir à réorganiser la mobilité et le stationnement, privilégier les modes doux, prévenir les conflits d’usage. , identifier les attentes souvent contradictoires des habitants et des commerçants, repenser l’environnement des lieux générateurs de micro-déplacements (ex : écoles) pour éviter de transformer leurs parvis en parkings à chaque fois qu’ils vont et viennent de l’école, etc. A Paris, la ville a organisé des « rues scolaires », qui consistent à réserver une rue à la circulation active devant des groupes scolaires. Le Cerema accompagne les collectivités locales dans le déploiement de ce dispositif, né en Belgique, plébiscité au Royaume-Uni et qui se diffuse en France.

L’innovation peut-elle apporter sa pierre à l’émergence des nouvelles mobilités ?

Nous soutenons l’expérimentation dans de nombreux domaines, confirmant l’efficacité de nouveaux procédés et/ou matériaux innovants. Colas a par exemple développé Flowell, un système de dalles LED réfléchissantes qui amplifient les bandes de passage piétons en incitant les automobilistes à ralentir. Ce système permet également de moduler la signalisation sur la chaussée, transformant une ligne continue en ligne brisée en fonction du trafic. Cette signalétique dynamique permet de fluidifier le trafic sans investissement majeur. Nous développons également un système de gestion des voies dédiées : il s’agit notamment de vérifier que la voie dédiée est bien utilisée par des covoitureurs et non par des conducteurs individuels. Avant de sanctionner les contrevenants, assurez-vous de la fiabilité du système de contrôle automatisé. Nous travaillons sur sa certification.

Dans le même esprit, nous accompagnons le conseil général des Bouches-du-Rhône pour évaluer l’impact de ses travaux sur le réseau routier du département de Châteauneuf-le-Rouge. Un projet innovant qui envisageait l’utilisation de processus d’économie circulaire visant le label 2EC. , éd.]. Nous vérifions l’impact économique réel du recyclage des matériaux.