La voiture : le gouffre financier des Français

En cinq ans, le prix de la voiture a augmenté de 14 %. La raison : le prix du carburant, qui ne cesse de grimper et pèse sur le budget des ménages. Revoir notre mobilité est donc plus que jamais une mesure de justice sociale.

350 euros par mois. Soit plus du quart du salaire minimum de croissance (Smic). C’est le coût, en 2022, d’une thermomobile. D’ici cinq ans, il pourrait même peser le tiers de ce salaire minimum (410 euros mensuels). Dans une enquête publiée le 18 octobre, le Réseau Action Climat (RAC) montre que le prix de la voiture a augmenté de 14 % en cinq ans, passant de 3 680 euros par an en 2017 (soit 306 euros par mois) à 4 210 euros aujourd’hui. Et cette croissance pourrait bien s’accélérer. Dans la question, le prix du carburant constitue le premier poste (et le troisième) des dépenses.

Dans une analyse prospective, les auteurs prévoient l’évolution des prix des carburants selon trois scénarios : stabilité des prix, hausse de 3 % par an et de 5 % par an. Dans ce dernier cas, le budget alloué par les Français à leur voiture pourrait monter à 410 euros par mois (et 4 920 euros par an) d’ici cinq ans, soit une augmentation de 16 %. Un scénario pessimiste, mais réaliste. Car si l’évolution du prix du carburant est encore difficile à prévoir, le contexte général n’est guère propice à une baisse des prix. Au contraire. « L’OCDE [1] s’attend à une augmentation de 10% des prix du pétrole en 2023 », indique le rapport.

De plus, face à la réduction inexorable des stocks pétroliers, « les prix [de l’or noir] vont devenir plus volatils », explique Louis-Pierre Geffray, expert mobilité en transition pour l’Iddri [2]. Sans oublier qu’il y a « un jeu d’acteur très compliqué » dans le secteur, souligne-t-il. En témoigne la décision récente des vingt-trois pays membres de l’OPEP, les pays exportateurs de pétrole, de réduire leur production de 2 millions de barils, afin d’augmenter les prix. Enfin, « il semble de plus en plus incertain que l’Etat continue à soutenir indéfiniment l’achat de carburant pour limiter l’inflation des prix », soulignent les auteurs, alors que la vente de véhicules thermiques sera interdite en Europe à l’horizon 2035.

« C’est urgent, explique aussitôt au Reporterre Valentin Desfontaines du RAC, auteur du rapport. Le système de mobilité est à bout de souffle. D’abord d’un point de vue climatique et sanitaire. pollution, et les voitures provoquent sédentarité et nuisances sonores. Mais aussi d’un point de vue social. « De la part des décideurs, il n’y a pas de prise de conscience des conséquences [sociales] de ce modèle et de l’ampleur de ce défi à transformer en profondeur notre système de mobilité », prévient Valentin Desfontaines.

Dans de nombreuses régions, la mobilité détermine l’accès au travail ou à la santé. En France, près de 13,3 millions de personnes sont en situation de mobilité précaire, c’est-à-dire qu’elles éprouvent des difficultés à se déplacer : manque de moyens de transport, coût élevé du carburant, véhicules vieillissants, longs trajets sans alternative à la voiture, etc. Dans ce contexte, le public joue un rôle déterminant dans la politique de mobilité dans la lutte contre les inégalités.