MAINTENANCE. COP 27 : 5 questions à Atecopol, l’atelier d’écologie politique des chercheurs toulousains

La conférence COP 27 sur le changement climatique réunit pour la 27e année 200 pays. Ça commence le lundi 6 novembre pour 15 jours en Egypte. Nous avons demandé à l’Atécopol, l’Atelier d’écologie politique, groupe de chercheurs toulousains, de nous expliquer ce qu’ils attendent de cette rencontre des Nations unies.

Odin Marc est au CNRS, un autre chercheur au GET (Géosciences Environnement Toulouse). Je suis membre de l’Atécopol. En ce premier jour de la COP 27, une conférence sur le changement climatique organisée pendant 15 jours par les Nations Unies en Egypte, il a accepté de répondre à nos questions au nom d’un groupe de chercheurs à Toulouse.

France 3 : Qu’attendez-vous de la COP 27 ?

Odin Marc : Pour de nombreux scientifiques et pour ceux d’entre nous qui essaient de faire passer le message de changement radical et d’urgence, il y a peu d’espoir d’une avancée majeure ou d’un changement de politique qui viendrait de l’accord international 200. des signataires.

En revanche, on peut s’attendre à des discours très clairs et honnêtes dans les 10 dernières années perdues, avec le fait que les politiciens ne sont pas en mesure de mettre en œuvre les changements qui nous permettraient de rester sous 1,5 degré de réchauffement. C’était le sujet de l’accord de Paris mais là clairement, malgré la manifestation politique et le lavage du vert dans les COP et dans les politiques nationales, c’est un échec.

S’il y a un message politique fort qui dit : nous n’avons pas réussi à nous mettre sur la bonne voie, ce serait la première étape. Il doit devenir un message public qui puisse amener la société civile à prendre ces questions en main et à se mobiliser fortement pour exiger des changements dans les politiques nationales et locales.

France 3 : Vous ne vous attendez donc pas à de grands changements malgré l’urgence de la situation ?

Odin Marc : Non, car c’est la 27e COP. Mais les faits scientifiques, le fait qu’il y aurait un changement climatique majeur, tout cela est connu depuis longtemps. Les émissions de CO2 n’ont augmenté que depuis 30 ans, depuis les années 90, depuis la création du GIEC, il est donc peu probable que, lors de la COP 27, nous trouvions un accord au niveau international. D’autant plus qu’on peut voir au niveau local, à quel point les politiciens sont prudents.

Ils sont prêts à faire de la publicité car cela peut aider à gagner des électeurs. Mais il n’y a pas d’homme politique, dans les pays européens par exemple, qui s’engage sur certaines mesures fortes qui peuvent exister.

On peut commencer par avoir des plans qui visent à réduire l’usage de la voiture, ce qui réduit la distance et la vitesse des transports et oblige à passer aux transports en commun. Il peut s’agir, par exemple, d’abaisser la limite de vitesse sur les autoroutes, de fixer des limites de vitesse sur les autoroutes allemandes, de subventionner les billets de transports publics à prix réduits.

Il peut s’agir de soutenir les projets de valorisation de la chaleur qui ont été choisis de longue date en France. Cependant, on a vu dans les nouvelles récentes que le gouvernement rejette les amendements de l’opposition qui proposent d’ajouter plus d’argent sur la table pour accélérer la réhabilitation des bâtiments. Nous n’avons absolument aucune rapidité dans ces questions.

Très peu de choses vont bien. Il y a différents types d’obstacles : on peut penser aux lobbies, au fait que la population n’est pas suffisamment informée, consciente des enjeux ou trop préoccupée, justement, par des préoccupations économiques, l’approvisionnement en énergie de la guerre d’Ukraine… Mais nous avons besoin de plus d’organisation et de sensibilisation.

Depuis l’accord de Paris, le fait que nous nous soyons engagés à 1,5° et que nous obligeons les gouvernements à mettre en place des politiques de suivi et d’évaluation des progrès, c’est très bien. Cela montre que malgré de nombreuses promesses, les actions ne suffisent pas.

Alors en tant que scientifiques, ce à quoi on peut s’attendre, c’est que ce ne sera pas une COP pour laver les granges avec plein de promesses et de bons discours qui disent : c’est très bien, on a élaboré un tel accord, on comprend. Mais il y a des discussions qui montrent que ce n’est pas suffisant, qu’il faut aller vite, qu’ici on ne parle pas du réchauffement climatique dans 10 ans ou dans 30 ans mais que nous avons des effets maintenant.

France 3 : ces événements, on les a devant nous, cela peut-il faire avancer les choses ?

Odin Marc : C’est quelque chose qui émerge et je pense que ça va devenir de plus en plus instable pour les acteurs qui s’opposent aux changements radicaux de repousser en disant : pas maintenant, pas pour nous.

C’est terrible de croire que la société attend d’affronter des drames. En Europe, ce sont des conditions surprenantes pour certains en matière d’agriculture ou on se souvient des inondations de l’an dernier en Allemagne et en Belgique qui ont fait beaucoup de morts, c’est inhabituel. Mais au Pakistan, cette année, des millions de personnes ont perdu leur maison.

On peut espérer que cela puisse servir d’argument fort aux pays du Sud qui chercheront sérieusement des mesures de prévention ou de compensation. Aussi dans les pays du Nord qui se rendent compte que ce ne sont pas seulement nos petits-enfants qui auront des problèmes avec le changement climatique, c’est nous.

Au niveau de l’opinion publique, il y aura une prise de conscience qu’on n’est plus en mesure d’éviter le changement climatique, qu’on est entré dans une période de deuil parce qu’on va perdre des choses. D’autres modes de vie et de pratique ne sont pas possibles. Ils peuvent durer plusieurs années s’il n’y a pas de changement politique, mais ils changeront soudainement : problèmes de pénurie, problèmes agricoles dus au manque d’eau ou catastrophes naturelles qui détruiront les infrastructures et la vie des gens.

Désormais les acteurs puissants, les grandes entreprises, les banques, les Etats ne diront pas que ce n’est pas une priorité, qu’on ne s’en occupera pas. Ils doivent dire ce qu’ils proposent. D’autres proposent des choses qui sont hors contexte, qui ne correspondent pas à ce que nous savons sur le changement climatique et ses effets, ce que nous, en tant que scientifiques, essayons d’identifier.

France 3 : La notion de « pertes et dommages » sera abordée. Quelle position vous situez-vous par rapport à ces questions posées par le Sud ?

Odin Marc : Nous n’avons pas eu d’attentes ici, mais il est vrai que cette COP (comme d’autres) permettra aux acteurs du Sud de se mettre à table et de s’asseoir au niveau de « l’égalité » avec les pays nordiques, créant des inégalités et produisant des conséquences dans leurs pays.

Les pertes et les dépenses seront discutées séparément. Les pays du Sud sont les plus touchés et ont le moins de capacité à s’adapter aux effets du changement climatique. Mais il faut rappeler que les pertes et dommages sont évoqués depuis très longtemps dans différentes COP.

Il y avait déjà eu un accord à Copenhague en 2009 qui prenait en compte ces coûts, mais de grands pays comme les Etats-Unis s’étaient opposés à ce qu’il soit contraignant. Force est de constater que les pays du Nord traînent des pieds pour soutenir le fonds de compensation.

Cependant cela montre la culpabilité de nos pays qui produisent un niveau élevé de CO2, même si certains pays développés comme la Chine émettent beaucoup de CO2 (sachant qu’ils sont encore inférieurs à l’Europe et aux Etats en CO2 par personne). Après tout, le réchauffement provient de l’accumulation historique de CO2 : l’Europe et les États-Unis émettent plus de CO2 que le reste de la planète depuis des décennies. Mais nous savons que ce sont les pays du Sud qui vont souffrir.

Cela mérite d’être mentionné et peut être un moteur de visibilité et de pouvoir au sein des pays du Nord eux-mêmes sur les questions de genre. Nous avons d’ailleurs des mécanismes similaires dans ces pays : les 10 % les plus riches en termes de richesse et de revenus ont les meilleurs modes de vie et la meilleure capacité à agir sur le changement climatique. En revanche, certains sont plus stressés. Il leur est difficile de mener une vie saine en raison de problèmes économiques ou professionnels. La plupart des personnes à faible revenu en France sont très proches des objectifs de durabilité fixés par le GIEC.

Le fait que pour avoir des objectifs de performance sérieux, il faille une réduction des inégalités, cela se ressent aussi dans l’espace public, en dehors des COP. C’est ce qu’on attend de nous à Atécopol.

France 3 : Que faut-il faire ?

Odin Marc : Nous avons besoin d’un changement radical dans de nombreux aspects de la société. Nous avons besoin de politiques qui préparent à la réduction de nombreux aspects de ce que nous produisons et utilisons actuellement : moins de kilomètres dans les transports que l’on peut faire en améliorant les transports en commun, plus de perturbations pour la voiture individuelle.

Une grande partie de la cargaison doit être transférée dans le train lorsque nous nous rendons compte qu’il y a un accident de train. Cela peut être une bonne solution pour les voyageurs et pour les marchandises, mais les politiques publiques doivent la soutenir, par exemple, en contrepartie, ils doivent payer des taxes/contrôler les vols.

Pour la construction, construisez quelques maisons neuves et rénovez celles existantes, publiques ou privées. Vous pouvez accéder à chaque branche. Il faudra aussi passer à une agriculture de proximité peu carnivore, repenser certaines subventions.

Tout cela doit être considéré dans un changement radical du système économique : que considérons-nous comme privé, en tant que société, quelles choses considérons-nous comme communes qui ne devraient pas être contrôlées par le profit privé ? … Si nous travaillons faiblement et faisons pression sur les gens, il est très difficile de tolérer une inégalité de traitement. Il n’y aura personne au-dessus de ces obstacles.

Enfin, du néolibéralisme et vers la planification environnementale, ce ne sont pas seulement des obstacles mais aussi des opportunités qui peuvent profiter au plus grand nombre, comme avoir une meilleure offre (accessible) de services publics, notamment de santé et de transport. ou avoir un travail avec une signification indésirable.