Transports en Ile-de-France : « Si on ne fait rien, le passe Navigo finira à 120 euros », prévient David Belliard

Pour éviter la tragi-comédie de fin d’année dernière qui s’était soldée par une augmentation de près de 10 euros du prix du forfait Navigo, Île-de-France Mobilités (IDFM) lance son rendez-vous pour le financement des transports en Île-de-France le lundi (2024-2030). ). Pour l’occasion, l’IDFM a demandé aux groupes politiques, aux acteurs économiques et institutionnels et aux associations d’usagers de rédiger des « cahiers d’acteurs » pour proposer des pistes de financement.

David Belliard, vice-président de l’IDFM environnement et représentant de la ville de Paris, a participé à l’élaboration de ces cahiers. « Nous avons demandé à ces états généraux un financement sur le budget 2020, rappelle-t-il. On sait depuis plusieurs années qu’il s’agit de financer les transports publics. Voici l’occasion pour lui de développer ses propositions pour garantir « des transports en commun de qualité et accessibles ».

Pourquoi jugez-vous urgent de réfléchir au financement des transports en commun en Ile-de-France ?

Il faut savoir qu’aujourd’hui le financement provient en grande partie de trois contributeurs : les entreprises via les paiements de mobilité, les collectivités, comme la Ville de Paris, d’une valeur de 430 millions d’euros, et les usagers. Cependant, plusieurs facteurs imposent de rebattre les cartes du mode de financement. Premièrement, l’accélération du changement climatique et la lutte contre la pollution de l’air font que les transports publics doivent figurer en tête de l’agenda. Nous devons développer et consolider des transports publics accessibles et de qualité. De plus, la mise en service du Grand Paris Express engendrera des surcoûts d’exploitation. Le besoin de financement est ainsi estimé à 1,5 milliard d’euros par an. Pourtant, il y a une sorte d’inertie de la part des gouvernements successifs et de Valérie Pécresse, qui ont laissé perdurer cette situation, sans anticiper les besoins de financement. Et ces besoins ont été accentués par la crise sanitaire et l’explosion des prix de l’énergie.

Quelles sont vos propositions ?

Il faut diversifier les modes de financement, notamment autour d’une fiscalité écologique et redistributive. Aujourd’hui, il n’est pas normal que les personnes et les entreprises qui utilisent une mobilité polluante ne contribuent pas ou peu au financement des transports publics. Il y a un double objectif qui est de garantir le prix le plus abordable possible avec une offre de qualité et fiable. Je dis non à l’augmentation du Pass Navigo car aujourd’hui les usagers peinent ou n’ont d’autre choix que d’utiliser des transports en commun vertueux dans un service de qualité médiocre. Ce n’est pas à eux de garantir les nouveaux besoins de financement.

Et concrètement, comment cela se traduit-il ?

De nombreux outils peuvent être mis en place, comme taxer les SUV, bien sûr, notamment dans les villes où ils n’ont aucune utilité et sont très polluants. Il serait assez juste que les acheteurs de SUV des zones urbaines denses participent en contribuant au financement des transports en commun. La taxe sur le kérosène est également un indice. Nous avons aussi avec Le Bourget, le premier aéroport pour jets privés en France. Encore une fois, il serait juste que ces happy few soient interrogés. Il y a aussi un sujet plus large autour des flux de marchandises et de la logistique.

Vous souhaitez facturer des plateformes de livraison (Amazon, DLH…) ?

Ils génèrent des milliards d’euros dans une activité qui utilise une ressource commune qu’est l’espace public. Cependant, la valeur que nous en tirons doit pouvoir être redistribuée, au moins en partie. A Paris, vous avez 500 000 colis livrés par jour. Une éco-contribution de 50 centimes par colis, c’est 180 millions d’euros collectés pour financer nos transports. C’est aussi la mise en place de l’écotaxe sur les poids lourds, qui est un mode de transport de marchandises très polluant.

Enfin, la rémunération de la mobilité doit être repensée avec une contribution accrue des entreprises les plus rentables. Mais ils ont aussi des conditions qui permettent d’attribuer une prime aux entreprises qui font un effort pour réduire leur empreinte carbone et, d’autre part, un malus à celles qui ne le font pas.

Toutes ces pistes nécessitent une traduction législative pour être mises en œuvre. Comment faire face à un gouvernement qui refuse d’augmenter les impôts, comme on le voit avec la réforme des retraites ?

On joue le jeu du débat et on fait des propositions. Nous ne pouvons pas dire que nous sommes simplement en conflit. On ne peut pas établir la pérennité de nos transports en commun avec, à la fin de chaque année, l’IDFM qui va tant bien que mal faire l’aumône au gouvernement, comme ce fut le cas l’automne dernier. Ce que je dis au gouvernement, c’est que nous sommes face à une situation de bombe sociale. Si on ne fait rien, le pass Navigo ne sera pas à 84,10 euros, il sera à 100, 110, 120 euros. C’est la réalité. Ensuite, il y a le débat, et peut-être arriverons-nous à moduler le paiement mobilité ou à avancer l’éco-contribution par tranches. Et la droite pourrait être tentée de rejoindre ce mouvement avec nous.

Êtes-vous prêt à faire cause commune avec Valérie Pécresse contre le gouvernement ?

Il faut être pragmatique. Si nous avons des convergences avec la droite sur des aspects de financement, alors nous mènerons le combat ensemble. Par exemple, l’augmentation du plafond salarial pour la mobilité revendiquée par Valérie Pécresse, c’est Eva Sas, députée écologiste, qui a présenté l’amendement à l’Assemblée, rejeté ensuite par le gouvernement et les élus de droite. Ensuite, nous avons des différences majeures, dans l’ouverture à la concurrence, dans la manière de gérer les transports, dans qui paie quoi, notamment par rapport aux usagers, que Valérie Pécresse veut mettre plus lourdement dans la contribution.

De nombreux organismes écologistes, dont France Nature Environnement, réclament la suppression des futures lignes 17 et 18 du Grand Paris Express, qu’ils jugent coûteuses et disproportionnées. Quelle est ta position ?

J’ai toujours pris le parti de mes camarades écologistes sur la question. Je partage certaines de leurs positions. Nous dépensons beaucoup d’argent dans des projets inutiles et destructeurs pour l’environnement. Sur la question du plateau de Gonesse [sur la ligne 17], cela n’a aucun sens de conserver cet arrêt. A Saclay, la mise en place d’une ligne de bus à haut niveau aurait très bien pu remplacer le projet proposé [ligne 18]. En toutes matières, je suis une ligne de sobriété et d’efficacité. Les investissements sont faits quand ils sont les plus modestes possibles et quand ils répondent vraiment aux besoins des gens. De la même manière, sur le Charles-de-Gaulle Express, je suis fondamentalement contre, car cela aura des conséquences sur le RER B. Il faut plus de transports en commun, c’est vrai, mais cela ne doit pas être en phase avec une croissance absolue avec des projets anti-écologiques d’un autre temps.