La ligne Paris-Limoges de la SNCF et la frontière d’une éthique militante du changement

Les grands défis de la transformation du monde continuent de poser la question de savoir comment y faire face. Ceux qui ont une voix avant tout aujourd’hui sont des militants qui nous interpellent sur des enjeux et influencent la prise de décisions importantes. Et pourtant, parce qu’il est avant tout magique et négligent les conséquences de ces décisions, l’activisme est souvent contre-productif. C’est ce qu’illustrent les défaillances de la ligne ferroviaire Paris-Limoges.

La lettre est pointue. Il a été signé par Benoît Coquart, PDG de Legrand, le géant mondial du matériel électrique, et est adressé à la direction de la SNCF. M. Coquart y exprime très directement sa surprise et son indignation face aux modifications intervenues sur la ligne entre Paris et Limoge, où la compagnie est basée, sans aucune concertation, ce qui contribue à de fréquentes pannes et retards. Il s’interroge ouvertement sur la possibilité que son entreprise reste à Limoges. L’enjeu est de taille : en effet, c’est l’une des rares entreprises étoilées du CAC40 installée en province. Cette lettre est importante, non seulement parce que Legrand est une entreprise généralement connue pour sa discrétion, mais parce qu’elle met en lumière les limites du discours politique militant qui a dominé ces dernières années.

Inondation des transports en commun, catastrophe écologique

Il est prouvé que le système de transport public en France s’effondre à tous les niveaux. Dans sa lettre, le directeur général Legrand évoque de nombreux dysfonctionnements sur la ligne Paris-Limoges (trains supprimés, retards, changements d’horaires sans concertation). Chacun de nous peut soulever les mêmes questions sur la ligne de son choix. Au moment où j’écris ces lignes, le trafic sur la ligne R (Paris-Montargis) est interrompu depuis deux heures en raison d’une panne de train. Sur cette ligne, comme sur beaucoup d’autres, les problèmes se répètent. On le sait, les coûts induits sont considérables : en plus du stress pour les passagers, ceux-ci sont de plus en plus contraints de partir plus tôt et donc de perdre du temps pour se protéger des retards ou des annulations. Les problèmes des lignes de RER et du métro parisien sont bien connus et font régulièrement la une des journaux. Les voyageurs sont scandalisés. On n’ose même pas évoquer ces lignes de bus qui s’enlisent dans l’immobilisme du trafic parisien, qui ne doit rien aux voitures et tout aux décisions municipales. Et le problème ne se limite pas à Paris. Je fais partie de ces personnes qui essaient d’utiliser au maximum les transports en commun. La semaine dernière, en arrivant à Lyon, j’ai voulu prendre le bus C6 qui relie la gare Part-Dieu au campus emlyon. Mon train arrive à 9h55 et l’application m’indique que le prochain bus est à 10h02. je me dis parfaitement ! Sauf que j’arrive à l’arrêt, le système d’info m’indique que le prochain bus sera en fait à 10h20. Ainsi, l’application donne des données erronées. Surtout, j’ai déjà 20 minutes de retard. Puis 10h20 arrive et toujours pas de bus. Le système annonce « approche » pendant une bonne dizaine de minutes. Le bus arrivera finalement à 10h29. Alors, tant que j’en avais de disponible, j’arriverai au rendez-vous avec une minute d’avance seulement; pas le temps de se préparer. Aine la prochaine fois ? Bien sûr, je prendrai un taxi. Autour de moi, de telles anecdotes se multiplient. Ils y ont tous survécu. Nous pourrions écrire des pages et des pages.

Comment expliquer cette négligence générale, quand on sait qu’il n’y aura pas de « transition écologique » sans un réseau de transports en commun efficace ? Nous vivons dans un monde où les mots sont plus importants que les actes. Nous payons pour les mots; les slogans et les mesures symboliques prolifèrent ; nous interdisons plus que nous construisons ou réparons. Pourquoi? Parce que c’est facile et rapporte plus en termes de réputation sociale.

Le sociologue américain Saul Alinsky, profondément impliqué dans la lutte pour les droits civiques des années 1930, estimait il y a cinquante ans que le premier devoir de quiconque veut vraiment changer le monde est d’accepter la réalité, aussi désagréable soit-elle. Il a écrit : « En tant qu’organisateur, je pars de là où est le monde, tel qu’il est, et non tel que je voudrais qu’il soit. Accepter le monde tel qu’il est n’affaiblit en rien notre désir de le transformer en ce que nous croyons qu’il devrait être – il faut commencer là où le monde est si nous voulons le transformer en ce que nous croyons qu’il devrait être. Cela signifie travailler dans le système. Il est très intéressant que l’on retrouve cette idée d’immersion dans la réalité dans l’attitude entrepreneuriale d’impact, qui est décrite par le chercheur Saras Sarasvathy. A trente ans d’intervalle, un sociologue de gauche et un entrepreneur capitaliste disent la même chose : si vous voulez changer le monde, plongez dans la réalité, ne payez pas vos paroles et ne prêchez à personne.

Alinsky distingue ainsi deux types d’activistes : ceux qui veulent se donner bonne conscience (les militants rugueux) et ceux qui veulent vraiment changer le monde (les politiciens rugueux). Cette distinction se retrouve il y a un siècle chez un autre sociologue, Max Weber, qui distinguait deux éthiques : l’éthique de la croyance et l’éthique de la responsabilité. Dans Le savant et le politique, il écrit : « Il y a un contraste absolu entre l’attitude de celui qui agit conformément aux maximes de l’éthique de la croyance – en langage religieux on dirait : « Un chrétien fait son devoir et laisse le résultat de son action à Dieu' » – et l’attitude de celui qui suit une éthique de responsabilité qui dit : « Nous devons être tenus responsables des conséquences prévisibles de nos actes. » Cependant, ces dernières années, l’homme politique est devenu un activiste . Les décisions sont prises les unes après les autres par ceux qui ignorent volontairement les conséquences de leurs décisions. Nous fermons des centrales nucléaires au nom de l’écologie, ignorant ou faisant semblant d’ignorer que rien ne peut les remplacer pour l’instant, sauf peut-être le charbon, qui est une catastrophe. La pureté évangélique est fièrement affichée, le guerrier pense que c’est suffisant, et les conséquences sont catastrophiques, dont il ne se soucie pas. La catastrophe énergétique que nous vivons actuellement devrait être une leçon de choses, au sens du principe pédagogique de partir d’un objet concret pour que l’élève acquière une idée abstraite. Mais un militant politique fait le contraire : il part d’une idée abstraite et veut plier la réalité à sa volonté.

Cela ne signifie pas que la solution à la défaillance du réseau de transport public soit simple. C’est tout le contraire. Les slogans simplistes doivent être remplacés par un réel investissement dans la complexité de la situation. Mais il a besoin de travail. Pas un vendeur sur BFM. Ce n’est pas glamour et cela n’augmente pas votre compte de vertu. Refaçonner le monde est un travail de longue haleine sur les réalités du terrain, pas un exercice de communication.

La nécessité de deux bouleversements majeurs

Les erreurs récentes illustrées par la lettre de Legrand nécessitent deux revirements importants. La première, inspirée de Max Weber, est que les politiques reviennent à une éthique de responsabilité et ne prennent pas de décisions sans en examiner attentivement les conséquences. La seconde, inspirée de Saul Alinsky et de l’attitude entrepreneuriale, est d’abandonner une attitude idéaliste magique pour un investissement sincère et concret dans la réalité complexe du monde. Sans ces deux bouleversements, les catastrophes se succéderont et les conséquences, notamment sociales et politiques, seront considérables.

➕ Si tu veux continuer le sujet, tu peux lire mes articles précédents : ▶️ Choisis ton pote ! Pourquoi diviser le monde en deux nous empêche de le transformer ; ▶️Quand les experts deviennent des militants ; ▶️ Étrange : en temps de crise, on puise son énergie dans le quotidien et non dans l’idéalisme.

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