« Si ce gouvernement veut la justice sociale, il devrait commencer par exiger beaucoup des très grands groupes et des TPE-PME », juge sur franceinfo le sénateur PCF Fabien Gay.
« Ce n’est pas au conseil d’administration [des entreprises] de décider des mesures à prendre, c’est à la loi », se défend le sénateur (PCF) Fabien Gay, jeudi 28 juillet sur franceinfo. Le groupe communiste au Sénat vient de déposer un projet de loi « bouclier fiscal » qui vise à taxer les « superprofits » des multinationales comme celles, records, qui viennent d’être annoncées par TotalEnergies pour son premier semestre -2021 (5,7 milliards d’euros net profit).
>> Pourquoi les profits colossaux de Total font-ils grincer des dents ?
franceinfo : Comment fonctionne cette taxe sur les « superprofits » ?
Fabien Gay : La CMA-CGM, qui est un grand groupe de transport maritime, a par exemple fait 17 milliards d’euros de bénéfices l’an dernier et payé une taxe de 2 % dessus, soit l’équivalent de 350 millions d’euros. Nous proposons d’imposer les bénéfices de plus d’un milliard d’euros à 30 %. Si ce bouclier fiscal était mis en place, le même groupe paierait 5 milliards d’euros. Je pense qu’avec 12 milliards de bénéfices nets, il s’en sort très bien. Il y a beaucoup d’argent dans ce pays. Les résultats de Total explosent au premier semestre. On peut redistribuer tout cet argent aux Français.
Le gouvernement avance que les gestes spontanés de Total sur le prix du carburant ou de CMA-CGM sur le prix du conteneur sont plus efficaces que des taxes ad hoc. Comment répondez-vous ?
Nous croyons que ce n’est pas le conseil d’administration qui décide des mesures à prendre, c’est la loi. Ce sont deux projets de société qui s’affrontent, en vérité. Nous pensons que c’est la fiscalité – si elle est juste et encadrée par la loi – qui devrait réguler plutôt que de demander des aumônes ou un geste humanitaire à ces grands groupes. On leur a aussi posé la question dans la première rubrique, Total, mais on voit que leurs profits continuent d’exploser. Alors que d’autre part, les consommateurs sont obligés d’utiliser leur voiture tous les jours. Au total, 18 millions de personnes sont obligées de prendre leur voiture car elles se trouvent dans la zone blanche des transports en commun. Ces gens continuent de payer deux euros leur gasoil à la pompe, donc ça ne marche pas. Ce qui est juste, c’est la taxe, si elle n’est pas vexatoire, bien sûr.
Cela pourrait-il, de manière plus large, relancer le débat sur le fait que Total ne paie pas d’impôts en France, comme le soutient l’économiste Maxime Combes ?
Total ne paie pas d’impôts. La CMA-CGM paie 2 %. En revanche, la petite PME est imposée à 25% ou 30%.
« C’est aussi une question de justice sociale et de justice fiscale : on étouffe les petits qui ont parfois du mal à s’en sortir car tous les prix augmentent et ils pèsent de plus en plus sur eux. »
Si ce gouvernement veut la justice sociale, il doit commencer par faire payer très cher les très grands groupes et les TPE et TPE-PME.
Comment reversez-vous cette taxe aux Français ?
Il y a beaucoup de choses que nous pouvons faire. Par exemple, on peut immédiatement réduire la facture d’électricité en considérant l’énergie comme un bien commun et nécessaire plutôt que d’obliger les consommateurs à payer 20% à 30% de taxes dessus. Ensuite, on peut tripler la maîtrise énergétique et la porter à près de 600 euros pour les familles les plus modestes qui vivent souvent dans des passoires thermiques. Enfin, il faut augmenter les salaires : le gouvernement n’a qu’un seul pouvoir, celui d’augmenter le salaire minimum. Si nous montons le Smic à 1 600 euros, cela ouvrira immédiatement des négociations dans toutes les branches professionnelles. Il est urgent que les gens puissent vivre dignement de leur salaire et de leur travail. Quand on veut apporter la valeur du travail, on commence par donner aux gens un salaire honnête et juste qui leur permette de vivre dignement.
